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Not a Hero

Le jeu indépendant est un peu la série B de l’industrie vidéoludique, une oeuvre au budget et à l’envergure modeste qui a rarement les moyens de ses ambitions mais qui peut paradoxalement se permettre des écarts de conduite sur lesquelles les éditeurs puritains des productions AAA refuseraient de fermer les yeux. Preuve en est le synopsis de Not a Hero, lequel fait état d’un lapin mauve anthropomorphe, nommé Bunnylord, venu du futur pour sauver le monde d’une menace inconnue en gagnant les élections municipales d’une ville dont on ne sait rien si ce n’est qu’elle est gangrenée par le crime et la corruption. Il y est également question de l’implication du joueur, lequel pourra incarner les membres du Bunnylord’s fun club, des hommes et femmes d’apparence anodine, à la gâchette facile, qui n’ont rien de mieux à faire qu’aider ce lagomorphe complètement taré à réaliser ses délirantes ambitions en éradiquant méthodiquement le moindre élément subversif susceptible de contrarier ses plans.
De toutes évidences, ce pitch est complètement barré et peu d’individus sains d’esprit auraient accepté de miser dessus. L’équipe de roll7, laquelle a su concilier les fans de skate et de scoring grâce à sa franchise OlliOlli, l’a fait rejoint dans son délire par Devolver Digital, l’éditeur de toutes les causes perdues ayant récemment laissé sa chance au sympathique Titan Souls, ce qui soulève la question suivante. Un concept aussi absurde que désopilant est-il nécessairement synonyme de mauvais jeu? La réponse dans les lignes qui suivent.

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Les briefings de Bunnylord sont à l’image de ce dernier, délicieusement drôle !

Sortie sur PC le 14 mai 2015 mais également prévu sur PS4 et PS Vita, Not a Hero prend la forme d’un jeu d’action au rythme effréné dont le charme repose en grande partie sur une crétinerie assumée couplée à des mécaniques de jeu simples mais terriblement efficaces.
Le joueur y suit la sanglante campagne municipale de Bunnylord, laquelle s’étale sur trois semaines. Chacune d’entre elles est consacrée à libérer un district du gang qui y a élu domicile pour un total de vingt-et-une journées et autant de stages. Tous les niveaux se déroulent de la même manière et commencent systématiquement par un discours absurde du candidat aux longues oreilles faisant office de briefing pour la mission à venir. Sont ainsi évoqués entre deux âneries l’objectif principal du jour, qu’il faut accomplir coûte que coûte, ainsi que les secondaires, optionnels mais qui permettent de gonfler la cote de popularité du lapin débloquant par là même de nouveaux tueurs pour son club. Ce n’est qu’une fois l’un d’entre eux sélectionné que le boulot commence réellement.

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Les dealers sont des ennemis redoutables, mobiles et insensibles au tacle.

“Business is good. Killing is our business.”

Le travail du joueur, en tant qu’exécutant de Bunnylord, va essentiellement consister à nettoyer la racaille criminelle qui hante l’agglomération dans le but de faire passer son tout aussi méprisable patron pour un Saint. Afin d’y parvenir, roll7 a vouer l’intégralité du gameplay de son titre à l’action frénétique, le débarrassant de tout élément superflu pour ne garder que l’essentiel.
À l’arrivée, on se retrouve donc avec la croix directionnelle, laquelle n’autorise que le déplacement latéral, et quatre boutons.

  • Un alloué à l’arme de base, qui doit être rechargée périodiquement mais dont les munitions sont illimitées,
  • un autre aux armes de soutien, dropés par les ennemis à leur mort,
  • un troisième pour recharger
  • et un quatrième qui n’est pas le saut, lequel est prohibé, mais la glissade dont va dépendre beaucoup de choses à commencer par votre survie!

Glisser permet, en fonction de la pression exercée sur la touche, de tacler ou bien de se mettre à couvert. Faire tomber un adversaire permettra de l’exécuter sommairement ce qui a le double avantage d’accélérer votre besogne tout en vous conférant provisoirement le charisme d’un Chow Yun-fat au sommet de sa gloire. Inversement, se planquer n’a rien de glorieux mais permettra néanmoins de distribuer des pruneaux tout en évitant vous-même d’en prendre ce qui, passé quelques secondes, vous restituera l’intégralité de votre jauge de vie. Une bien maigre consolation lorsque l’on sait que deux rafales tirées à bout portant suffisent à la vider.

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Hum… encore 6… Ok! Une balle par mec

Peu importe ce que tu fais, seul compte la manière de la faire.

Le système de combat est commun à tous les assassins de Bunnylord. Néanmoins, chacun d’entre d’eux dispose de spécificités et de capacités propres qui contribuent à le rendre unique. Cette panoplie de styles variés permet d’altérer l’expérience de jeu en fonction du personnage choisi pour à terme trouver celui ou celle dont les aptitudes nous conviennent le mieux. A noter que les neuf protagonistes, en plus de leur talent certain pour tuer, ont également en commun une tare qui si elle les empêchent de devenir de parfaits apôtres de la mort les rend d’autant plus fun à jouer.
Prenez comme exemple Mike, un végétarien se baladant avec un couteau de survie, idéal pour les éliminations discrètes, et un double canon scié, à la puissance dévastatrice mais ne pouvant contenir que deux cartouches à la fois. Ou bien encore Jesus (aucun lien de parenté avec Nazareth), un type obscène que l’on croirait tout droit sorti d’une piste de danse, à la vélocité hors norme, mais dont le déhanché incontrôlable a des répercussions dramatiques sur la précision de ses tirs.
Sans révéler l’intégralité du casting, sachez juste qu’il s’agit d’une belle brochette de cinglés auquel on s’attache très rapidement. Ce à quoi le design général du jeu n’est pas étranger.

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Les affrontements avec le SWAT comptent parmi les plus intenses du jeu.

Le jeu d’action que tous les aficionados de Minecraft attendaient!

Entièrement réalisé en pixel art, Not a Hero dépeint un univers extrêmement stylisé dont le côté rétro pourrait en rebuter plus d’un. Ce qui serait regrettable tant la direction artistique du titre souligne le point fort de ce dernier, une action rapide et intense. Ce qui importe ici n’est pas que ce soit beau mais que ce soit lisible. À quoi bon représenter à l’écran un déluge de balles et d’explosions réalistes auquel on ne comprend rien? Le manque de détails et les graphismes simplistes inhérents au jeu de roll7 lui permettent de ne jamais égarer le joueur, lequel saisit constamment ce qui se passe à l’écran et peut donc réagir instantanément pour produire des gunfights toujours plus endiablés.
Rajoutez à cela l’excellente initiative des développeurs de retarder la sortie de leur bébé de quelques semaines pour le doter d’un mode 60 fps et vous obtenez une oeuvre fluide, limpide, où la chance n’a pas sa place, où la réussite n’est déterminée que par la technique du joueur.

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Bunnylord a une façon bien à lui de manifester sa joie…

La route pavée ou le sentier pourrave ?

Il est possible de déguster une salade avec ou sans vinaigrette. De la même manière, il y a deux façons de jouer à Not a Hero. La première, fade et guère appétissante, consiste à aller au plus court en se concentrant sur les objectifs principaux pour atteindre la fin du jeu rapidement. L’aventure s’expédie alors sans encombre, en cinq heures, et s’oublie à peu près aussi vite.
La seconde, bien plus épicée, prend le parti de satisfaire les moindres exigences de Bunnylord qu’il s’agisse de tuer 16 scélérats à la suite sans encaisser une balle, d’exploser un hélicoptère en vol ou bien encore de secourir des bébés panda dans le seul but de les transformer en milk-shake. La promenade de santé se transforme alors pour le joueur en un véritable parcours du combattant, semé d’embûche, où les erreurs se payent comptant et obligent à tout recommencer, à apprendre par cœur chaque niveau, à en connaître les moindres recoins et ainsi optimiser son trajet pour pouvoir à terme se comporter en véritable virtuose de la gâchette, décimant tout sur son passage, le tout avec classe et désinvolture.
Dans ce dernier cas de figure, comptez une dizaine d’heures mémorables à laquelle s’ajoutent des doigts dégoulinants de sueur et une gorge enraillée.

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Le Bunnylord’s fun club au complet !

Not a perfect game

Roll7 a accouché d’une oeuvre pêchue, dynamique et par-dessus tout fendarde qui éprouve néanmoins des difficultés à maintenir la cadence sur le long terme. Bien qu’intenses, les phases de jeu peinent à se renouveler d’une mission à l’autre et le joueur en est bien souvent réduit à accomplir les mêmes tâches à l’intérieur de levels dont le design varie très peu au cours de la progression. Il ne s’agit pas ici de noircir le tableau. Le titre comporte son lot de bonnes surprises, telles les trop rares interventions du SWAT ou bien encore un troisième boss évoquant l’une des meilleurs scènes de Kill Bill, mais celles-ci sont contrebalancées par des périodes de battement manquant de folie au vue de ce que le gameplay permet.
Le contenu est également à pointer du doigt, roll7 n’ayant inclue aucun autre mode que le solo ce qui laisse en tout et pour tout 21 stages plus 3 bonus pour combler l’appétit. La sauce a beau être très riche, on reste tout de même sur sa faim pour un repas à 14 euros.

En définitive, Not a Hero est un très bon divertissement dont l’extravagance dissimule des mécaniques de jeu rodée procurant un plaisir de jeu indéniable. Au-delà de ses quelques imperfections qui l’empêchent de se démarquer réellement, le titre de roll7 reste avant tout un produit de niche s’adressant aux amateurs de challenge, à ceux et celles qui aiment qu’on leur résiste, que leur mâchoire se resserre et que leurs doigts se crispent. Les vrais gaillards qui veulent se donner du mal pour parvenir à la fin d’une aventure, avec leurs propres moyens et selon leurs propres termes.

Review

ProsCons
- Bunnylord et ses speechs
- Un pur shooter, bien pensé et souvent jouissif
- Une bande-son d'excellente facture, à mi-chemin entre rock et electro
- Neuf tueurs pour autant de style de jeu
- Ne sera pleinement apprécié que par un public bien particulier
- Rythme en dents de scie
- Pas aussi ingénieux que l'on aurait pu le souhaiter
Rating
70%
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